Général de division (r) Vincent Desportes
Après une carrière opérationnelle qui l’a conduit à exercer des commandements multiples, Vincent Desportes s’est orienté vers la formation supérieure, la réflexion stratégique et l’international.
Dans ce cadre, il a notamment exercé aux Etats-Unis entre 1998 et 2003. Après deux années au sein même de l’US Army dont il est diplômé du War College, il a été Attaché militaire à l’ambassade de France à Washington. De retour en France, il a été nommé Conseiller défense du Secrétaire général de la défense nationale avant de prendre la direction du Centre de doctrine d’emploi des forces ; pendant trois ans, il y a été responsable de l’élaboration des stratégies et du retour d’expérience de l’armée de terre. De 2008 à 2010, il a dirigé l’Ecole de Guerre, l’institut de formation supérieure des armées.
Ingénieur, docteur en histoire, diplômé d’études supérieures en administration d’entreprise et en sociologie, Vincent Desportes s’est par ailleurs investi dans le domaine de la réflexion stratégique et du leadership. Grand Prix 2016 de l’Académie française, il a publié de nombreux ouvrages de stratégie et de praxéologie ainsi que de multiples contributions à des revues françaises et étrangères.
Conférencier international, il s’exprime depuis dix ans en France et à l’étranger sur les thèmes de la stratégie, du leadership et de la géopolitique. Spécialiste reconnu des affaires stratégiques et militaires, il intervient très régulièrement dans les grands débats radiophoniques et télévisés. Professeur des universités associé à Sciences Po Paris, il enseigne la stratégie dans plusieurs grandes écoles.
Vincent Desportes est administrateur de sociétés, membre du Conseil d’orientation de Circle, expert auprès de l’Association pour le progrès du management et président de Stratforce, cabinet de formation et de conseil aux entreprises. A ce titre, il intervient régulièrement auprès des comités de directions et des dirigeants des plus grandes entreprises françaises.
Comment un dirigeant peut-il mieux anticiper et gérer une crise lorsqu’elle survient sans préavis ?
Ce n’est pas qu’une crise n’est pas prévisible, c’est qu’une crise est un système de régulation qui ne fonctionne plus. Nous sommes habitués à ce que tout fonctionne : l’eau circule normalement, la température est régulée… Soudain, quelque chose déraille. Une crise, c’est ça : un système de régulation qui ne fonctionne plus.
Vous posez deux questions : anticiper et gérer. Ce sont deux choses très différentes.
Anticiper, c’est à la fois limiter les risques et admettre que tout n’est pas prévisible. Il s’agit d’étudier ce qu’on appelle le champ des possibles pour préparer l’organisation aux crises potentielles. Mais il faut aussi accepter qu’il y aura toujours des imprévus. Comme le dit Nicolas Taleb dans Le Cygne Noir, "il arrivera toujours quelque chose d’imprévisible". Son exemple emblématique est celui de la dinde de Thanksgiving : elle pense que les humains sont à son service puisqu’ils la nourrissent chaque jour; jusqu’à ce matin fatidique de novembre où elle passe à la casserole. Cela illustre parfaitement le fait que nous sommes souvent surpris par des événements contraires à tout ce que nous croyions connaître.
C’est pourquoi anticiper, c’est penser l’impensable. Quand une crise survient, elle est souvent moins impensable qu’«impensée» : nous n’avons pas su sortir du carcan de notre pensée. Prenons l’exemple de l’Europe qui, pendant longtemps, a pensé que la guerre était devenue une réalité obsolète. Aujourd’hui, elle se trouve totalement démunie face à un conflit à ses frontières.
La première question que doit se poser un dirigeant est donc : quels sont les coups mortels qui peuvent me mettre à terre? Je dis cela avec ma référence militaire : que peut-il arriver de pire à mon organisation? Quelles sont ses faiblesses essentielles? On ne peut pas prévoir toutes les crises, mais on peut identifier celles qui pourraient détruire l’entreprise.
Jack Welch, ancien PDG de General Electric, disait à ses équipes : « Détruis ton propre business ». Autrement dit : imagine comment il peut mourir pour savoir comment le protéger. Anticiper, c’est creuser le puits avant d’avoir soif. Une fois que la crise est là, il est trop tard.
Anticiper, c’est aussi bâtir la résilience. Une entreprise doit être capable d’encaisser le choc, de rebondir et de se redresser. Pour cela, je propose quatre grands axes d’action :
Le plan de continuité de l’activité (PCA) : C’est une obligation légale, mais surtout un devoir moral. Le dirigeant doit se poser des questions simples : Si je disparais demain, mon entreprise peut-elle survivre ? Que se passe-t-il si ma secrétaire a les clés et qu’elle n’est pas là ? Qui prend les responsabilités en cas de défaillance ? Les militaires envisagent toujours la mort : qui remplace qui ? Les entreprises devraient, elles aussi, organiser des exercices de crise pour habituer leurs collaborateurs à l’imprévu et identifier leurs faiblesses. Je constate souvent dans mon travail de conseil en stratégie que peu d’entreprises le font.
Les réserves : Les réserves sont le premier levier de réaction. Qu’il s’agisse de ressources humaines, financières ou matérielles, elles ne sont pas allouées à une tâche précise et peuvent être mobilisées immédiatement. Sans réserves, l’entreprise est sans défense. Les réserves sont aussi le levier de l’opportunité : si une occasion se présente, je peux agir. Mais elles impliquent un choix stratégique : dois-je maximiser l’utilisation de mes ressources, ou dois-je les conserver pour faire face à l’imprévu ?
Les ressources humaines : Je dois préparer mes équipes à l’imprévu. Je dois les habituer à l’agilité mentale et à trouver des solutions hors du cadre habituel. Cela passe par des exercices de crise et par une formation à la polyvalence. Dans l’armée, chaque soldat a toujours un métier principal, mais aussi un ou plusieurs savoir-faire secondaires.
La diversification : Ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier. Diversifiez vos fournisseurs, vos clients, vos produits et même vos banques. Une dépendance excessive à un seul acteur est un risque majeur.
Quand la crise survient, le dirigeant doit d’abord être solide. Comme disait De Gaulle à propos du général Joffre : « C’est un homme qui reste solide, qui garde son calme, qui ne perd jamais le Nord. » Le dirigeant doit être capable de penser au-delà de l’horizon : s’il reste focalisé sur l’immédiat, il risque de s’enfermer dans la crise et absorber le stress et diffuser la confiance : « Keep calm and carry on », disait Churchill. Le chef doit montrer qu’il domine la situation. Churchill disait aussi : « Never give in. Never, never, never. » Si vous traversez l’enfer, continuez à avancer. La crise s’arrêtera un jour, mais si vous vous arrêtez au milieu, vous resterez coincé.
Enfin, le dirigeant doit avoir foi :
Foi en lui-même : il a déjà surmonté des difficultés.
Foi en ses équipes : l’humain est capable de choses extraordinaires.
Foi en son entreprise : elle s’en est sortie, elle s’en sortira encore.
L’objectif n’est pas seulement de résister à la crise, mais d’en sortir plus fort. Comme l’explique Taleb, une organisation antifragile ne se contente pas d’encaisser les chocs : elle les utilise pour progresser.
Vous avez écrit sur la prise de décision en contexte d'incertitude. Quels conseils donneriez-vous à un dirigeant pour prendre des décisions rapides mais réfléchies dans des situations critiques?
On m'a parfois reproché d'avoir intitulé un ouvrage Décider dans l'incertitude. Les critiques superficielles y voyaient un paradoxe, alors que les plus avisées me disaient : «Mais bien sûr, on ne décide que parce qu'il y a de l'incertitude!» Si tout était certain, il suffirait d'appliquer des règles préétablies. Il faut bien comprendre que la décision et l'incertitude sont intrinsèquement liées. Diriger, c'est diriger dans l'incertitude. Un dirigeant qui pense qu'il doit éliminer toute incertitude avant d'agir n'a pas compris sa mission. Bien sûr, on tente de réduire l'incertitude – avec des informations, des analyses, etc. – mais elle ne disparaît jamais.
L'incertitude a une seule cause fondamentale : l'humain. La complexité, les contraintes matérielles… tout cela peut être résolu, un jour ou l'autre, par l'intelligence artificielle. Mais ce qui se passe entre les deux oreilles d'un être humain – cela, nous ne le saurons jamais. Ni pour un client, ni pour un fournisseur, ni même pour nous-mêmes. L'humain est donc la première cause d'incertitude, mais il est également la solution. Car seul l'humain est capable de prendre des initiatives, d'avancer sans tout savoir, de s'adapter face à l'imprévu.
Aucune décision ne peut être parfaitement rationnelle. Le dirigeant ne dispose jamais de toutes les informations. Il doit donc accepter que sa décision soit imparfaite, partielle et relative. Partielle, car il ne connaît jamais tout ; provisoire, car le monde change sans cesse ; relative, car chaque individu percevra et interprétera la situation différemment.
Dans la prise de décision, le temps est un facteur déterminant. Chercher trop d'informations est une démarche sans fin qui mène à la procrastination. Plus je retarde ma décision, plus elle devient obsolète ou mauvaise. La première décision à prendre est donc de fixer une limite de temps pour agir. Les militaires le savent bien : mieux vaut une décision imparfaite prise à temps qu'une décision parfaite arrivant trop tard.
Edgar Morin le souligne : "Toute action échappe à son intention". Une décision, même bonne, sera emportée par la réalité du terrain, par des actions-réactions imprévisibles. Diriger dans l'incertitude, c'est accepter cela : la décision n'est pas unique, elle est une multitude de décisions successives. Le dirigeant doit s'adapter en permanence, ajuster sa trajectoire, et surtout ne pas rester prisonnier de sa première décision.
Quelques règles pour bien décider :
Préserver sa liberté d'action: Toute action stratégique repose sur ce principe fondamental : conserver sa capacité à agir. La stratégie est une lutte pour la liberté d'action. Si je perds cette liberté, je suis paralysé. La meilleure manière de la préserver est de disposer de réserves : humaines, financières, logistiques.
Rechercher la simplicité: Ce qui n'est pas simple ne fonctionne pas, surtout dans la crise. Napoléon disait : « A la guerre, seul ce qui est simple fonctionne ». Un plan trop complexe est voué à l'échec. Simplifier, c'est rendre les choses compréhensibles et actionnables par tous.
Penser téléologiquement: Une décision doit toujours se référer à l'avenir que l'on souhaite. Je ne décide pas pour le présent, mais dans le présent, pour façonner le futur. De Gaulle pensait toujours « au-delà de l'horizon ». Un dirigeant doit anticiper plusieurs coups d'avance.
Limiter l'infobésité. Il faut rechercher l'information juste et pertinente, puis la transformer en connaissance et en compréhension. Trop d'information tue la décision.
Définir son champ d'action Avant de décider, je définis mon champ de liberté d'action en tenant compte de mes contraintes, de mes impératifs et des interdictions. Cela m'évite de chercher une solution partout et nulle part.
Décider le moins souvent possible. Si je multiplie les décisions, c'est que j'ai mal préparé mon action ou que je ne fais pas confiance à mes collaborateurs. Il faut apprendre à déléguer et à manager par émergence : laisser les solutions apparaître naturellement sur le terrain.
Diriger dans l'incertitude n'est pas une question de contrôle absolu, mais d'adaptation permanente. Le dirigeant doit accepter l'imperfection de ses décisions, agir avec courage et résilience, et toujours garder un œil sur l'avenir. Car, comme le disait Edgar Morin, « l'action échappe à son intention » : il ne s'agit pas d'avoir raison dès le départ, mais de corriger sans cesse pour avancer dans la bonne direction.
Dans un contexte de turbulence, comment un leader peut-il maintenir la confiance et la motivation de ses équipes tout en restant adaptable face aux évolutions constantes ?
Le leadership en temps de crise ne s'improvise pas ; il se prépare en amont. Si rien n'a été construit avant la crise, il sera souvent trop tard pour mobiliser les équipes efficacement. La clé réside donc dans l'anticipation et la résilience.
1. Préparer l'organisation et les équipes avant la crise
La crise ne doit pas être perçue comme un événement exceptionnel. Bien au contraire, l'incertitude est la norme dans un monde en perpétuelle évolution. Un leader doit habituer ses équipes à évoluer dans l'incertitude. Cela passe par des exercices de préparation à la crise, des réflexions collectives et des simulations pour développer l'agilité et l'esprit de réaction. Travailler sur le collectif est essentiel. Une équipe soudée et prête à agir ensemble sera plus résiliente dans les moments difficiles. Le collectif se construit autour d’une ambition commune, d’une vision partagée et d’une confiance mutuelle. Il ne s'agit pas simplement de coopérer, mais de créer un esprit de corps où chacun se sent responsable de la réussite collective. L’interdépendance est clé : comme dans un bateau en pleine tempête, chacun doit comprendre que sa mission est liée à celle des autres. Coresponsabilité : chaque membre de l'équipe doit percevoir que l’effort collectif est la seule voie pour surmonter la crise.
2. Offrir un horizon commun dans la tourmente
Lorsque la crise survient, les équipes doivent avoir un horizon de sortie clair et crédible. C'est ce qui donne du sens à l’effort, qui motive à tenir bon et à accepter des sacrifices temporaires, comme des ajustements de salaire ou une intensification de la charge de travail. Le rôle du leader est de proposer cette vision, d’incarner l'espoir et de maintenir la confiance dans l’avenir.
3. Raconter une histoire collective
Une crise est aussi une histoire humaine qui doit être racontée. L'entreprise vit un moment de vérité qui se déroule en continu. Le leader doit communiquer régulièrement, expliquer où en est l’organisation, quelles actions sont en cours et où l'on va. Cela renforce le sentiment d'appartenance et maintient les liens créés en amont.
4. Gérer l'énergie et les ressources dans la durée
Le temps de crise exige de l'endurance. Il est primordial de : Économiser les ressources : éviter d’épuiser tout le monde simultanément. Comme dans une équipe militaire, des relais doivent être organisés pour préserver l'énergie. Se concentrer sur l'essentiel : éliminer les actions non prioritaires pour maximiser les efforts là où ils comptent le plus. Préserver le moral : le leader a une responsabilité centrale dans la dynamique collective. Garder le sourire, montrer de la sérénité et savoir plaisanter même dans la tourmente contribue à maintenir l’équilibre psychologique de l’équipe.
5. Encourager l'innovation et l'adaptabilité
Dans une crise, les systèmes habituels de régulation ne fonctionnent plus. Il devient nécessaire d'innover pour trouver des solutions nouvelles. L'innovation ne surgit pas par magie ; elle se prépare en amont en encourageant la pensée créative et l’autonomie des équipes. Le leader doit créer un environnement où chacun se sent libre de proposer des solutions et d'expérimenter.
6. Décider et agir, même imparfaitement
En temps de crise, l’inaction est plus risquée que des décisions imparfaites. Il vaut mieux avancer dans un désordre relatif que de rester figé dans un ordre apparent. Le leader doit : Admettre le risque d’erreur : toutes les décisions ne seront pas parfaites, mais agir reste essentiel et faire confiance aux équipes : plutôt que de centraliser les décisions, il doit fixer la direction générale et permettre à ceux qui sont proches du terrain d’agir en fonction des informations pertinentes dont ils disposent.
En résumé, un leader doit anticiper, préparer le collectif, offrir un horizon de sortie, gérer les ressources avec sagesse et favoriser l'innovation tout en gardant le moral de ses équipes intact. C’est dans la crise que se révèlent les véritables qualités de leadership.
En tant que spécialiste de la stratégie, quels parallèles feriez-vous entre le leadership militaire et le leadership entrepreneurial pour inspirer les dirigeants dans leur vision et leurs actions à long terme?
Le leadership militaire et le leadership entrepreneurial diffèrent dans leurs contextes, leurs objectifs et leurs risques. Pourtant, leurs fondements reposent sur les mêmes acteurs : les humains. Ce ne sont ni les généraux qui gagnent les batailles ni les chefs d'entreprise qui produisent la valeur, mais bien les soldats, les collaborateurs, les équipes sur le terrain. Comprendre et inspirer les individus constitue ainsi la clé du leadership, qu'il soit militaire ou entrepreneurial.
Un bon leader sait que l'être humain ne prend jamais de décisions purement rationnelles. L'émotion joue toujours un rôle central. Comme le souligne Jean-Jacques Rousseau : « La raison fait l'homme, mais c'est l'émotion qui le conduit. » C'est pourquoi un leader doit parler au cœur et aux tripes de ses équipes, plus encore qu'à leur cerveau. Il doit comprendre que ses collaborateurs ne sont pas uniquement des professionnels, mais des êtres complets, avec un passé, un avenir, des rêves et des familles.
L'une des premières attentes humaines est d'être considéré. Chaque membre d'une équipe, qu'il soit caporal ou collaborateur, doit sentir qu'il a un rôle essentiel à jouer. Dans les armées, il existe une hiérarchie, mais aucun rôle subalterne. Cette égalité en humanité est une valeur fondamentale que l'on retrouve aussi dans les entreprises performantes.
La confiance joue ici un rôle central. Un leader militaire ou civil doit faire confiance a priori, car la méfiance préalable tue l'engagement. En regardant un collaborateur dans les yeux et en lui disant "je te fais confiance", il suscite en lui un désir de se montrer digne de cette responsabilité.
L'être humain aspire toujours à se grandir et à aller au-delà de ses propres limites. Le leader a donc pour mission d'inspirer, de donner un sens et un horizon, un "rêve collectif". Comme le dit si bien Pierre Schoendoerffer dans Le Crabe-Tambour : « Le souhait obscur des hommes est moins d'être libres que d'être inspirés. » Un leader, qu'il soit militaire ou entrepreneur, est avant tout un créateur d'espérance. Il trace une Grande Ourse, une vision qui n'existe que parce qu'on choisit d'y croire ensemble.
Dans le monde militaire, les situations de combat sont imprévisibles. Le caporal, le capitaine ou le général doivent agir dans l'inconnu, prendre des initiatives et décider sur le terrain. Cette réalité est tout aussi vraie pour un entrepreneur. Un leader doit donc développer l'initiative de ses équipes, leur donner la liberté d'agir et de proposer des solutions. La participation conduit naturellement à la responsabilisation, qui elle-même nourrit l'engagement. À terme, cette responsabilisation développe une autonomie précieuse pour le leader : ses équipes deviennent capables d'agir de manière indépendante tout en convergeant vers la vision commune.
Enfin, le leadership militaire nous rappelle une vérité fondamentale : la force d'une équipe repose sur l'appartenance à un collectif. Dans l'armée comme dans une entreprise, l'interdépendance est la clé de la réussite. Le soldat qui lance une grenade est responsable de celui qui tire à la mitrailleuse, tout comme le commercial dépend du financier ou de l'ingénieur. Ensemble, ils avancent vers un objectif commun.
Qu'il soit militaire ou entrepreneur, un leader est avant tout un faiseur d'humanité. En considérant ses équipes avec respect, en leur inspirant une vision collective et en développant leur autonomie, il les amène là où elles ne pensaient pas pouvoir aller. C'est cette capacité à révéler le potentiel humain qui différencie un simple manager d'un véritable leader.
Le lieu, le film et le livre qui continuent de vous inspirer ?
Il y a des lieux d’une beauté pure, qui élèvent l’âme et rappellent que l’humanité est capable du sublime. Parmi eux, je citerais l’Alhambra de Grenade, surtout lorsque l’on contemple ses murs dorés au soleil couchant depuis la cité juive, avec la Sierra Nevada enneigée en arrière-plan. C’est un spectacle qui touche à la perfection.Le Taj Mahal est un autre de ces lieux. Sa symétrie, sa délicatesse, la puissance de ce qu’il symbolise en font un chef-d’œuvre intemporel. Ces monuments rappellent que l’homme est capable de beauté, et qu’il mérite que l’on se batte pour préserver ce qu’il a de plus grand. Enfin, il y a des beautés naturelles comme le lagon de Bora Bora, qui transcendent tout. Face à de tels lieux, je me dis que la vie vaut d’être célébrée et défendue.
"La 317ème Section" de Pierre Schoendoerffer est un film peut-être moins connu du grand public, m’a profondément marqué. Il raconte l’histoire d’un jeune lieutenant, dans une période sombre pour la France en Indochine. Isolé, harcelé, il demeure un leader jusqu’à la fin, fidèle à sa mission et à ses hommes. Ce film incarne la responsabilité, le courage et l’abnégation, des valeurs essentielles qui résonnent en moi. Il a sûrement joué un rôle dans mon propre choix de devenir soldat.
Parmi les livres qui m’inspirent, il y en a un, marquant mais discret, constitué de photos de soldats français en Algérie. À travers ces clichés, on lit le courage, l’abnégation, la camaraderie et même une forme d’amour pour l’humanité, y compris celle de l’adversaire. Ce livre, par sa force silencieuse, m’a fait comprendre que les armées ne sont pas uniquement des lieux de guerre, mais aussi des laboratoires de valeurs humaines profondes, appliquées en permanence sur le terrain.
Ces inspirations, qu’elles soient architecturales, cinématographiques ou littéraires, me rappellent que l’humanité est capable du meilleur, pour peu que l’on sache cultiver sa grandeur et défendre ce qui en vaut la peine.
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*Ouvrages
Cavalerie de décision (1998)
Comprendre la guerre (1999 & 2001) (Prix de l’Académie des arts et des lettres, Prix de l’IHEDN)
L’Amérique en Armes (2002)
Décider dans l’incertitude (2004 & 2008)
Deciding in the Dark (2008)
Introduction à la stratégie (en collaboration avec Jean-François Phélizon) (2007)
La guerre probable – Penser autrement (2007 & 2008) (Prix de la Saint-Cyrienne)
Tomorrow’s War (2009)
Le piège américain – Pourquoi les Etats-Unis peuvent perdre les guerres d’aujourd’hui
2011)
Guerre, technologie et société (en collaboration avec Régis Debray et Caroline Galacteros) (2014)
La dernière bataille de France – Gallimard (2015) (Grand Prix 2016 de l’Académie française)
Entrer en stratégie – Laffont (2019)
Visez le sommet, pour réussir devenez stratège (en collaboration avec Christine Kerdellant) – Denoël (2022)
Devenez Leader – Odile Jacob (2023)
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