Head of communication & medias France- Naos (Bioderma, Etat Pur, Esthederm)
Une expérience de 15 ans en agence qui m’a permis d’accompagner des marques nationales et internationales dans leur stratégie de marque, leur positionnement, leurs campagnes de communication 360. Une expérience riche en rencontres, une émulation quotidienne, et une exploration permanente de nouveaux marchés et problématiques qui nous donnent une véritable hauteur de vue et une expertise aiguisée des sujets de communication.
J’ai ensuite « basculé » chez l’annonceur en rejoignant le groupe NAOS depuis 2021 où je pilote la stratégie de communication, médias et e-réputation des marques Bioderma, Etat Pur et Esthederm pour la filiale France. Un défi passionnant et des échanges multi-expertises qui me challengent tous les jours !
Née à Annecy, je suis férue de montagne : un passage obligé pour me ressourcer, me donner de la force et me permettre de me recentrer.
Quels sont vos enjeux actuels et comment les adressez-vous ?
Pour commencer, un bref aperçu du marché de la dermocosmétique, qui est en plein essor depuis 2020, année marquée par la crise sanitaire. Aujourd’hui, ce secteur a franchi la barre des 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires, représentant 8 % du marché mondial de la beauté et atteignant même 15 % dans certains pays. Cette croissance s’explique notamment par une prise de conscience accrue des consommateurs quant à l’importance de leur santé, et par extension, de la santé de leur peau, qu’ils aient ou non des pathologies spécifiques.
Cette dynamique est également portée par une recherche accrue de sécurité, de transparence et de confiance, des valeurs particulièrement associées aux circuits pharmaceutiques, où la dermocosmétique est majoritairement distribuée.
Face à cet environnement en évolution, mes enjeux peuvent se résumer en deux grandes priorités :
Créer de la valeur et la diffuser : Pour NAOS, cela implique de s’assurer que nos marques (Bioderma, Institut Esthederm, Etat Pur) soient perçues comme créatrices de valeur par trois publics clés : Les collaborateurs internes, que nous devons mobiliser et fédérer autour de nos projets. Puis les partenaires externes, comme les pharmaciens ou les dermatologues, qui doivent devenir de véritables ambassadeurs de nos marques. Enfin, les consommateurs, en leur offrant des raisons tangibles de nous choisir parmi une offre pléthorique. La création de valeur ne peut se contenter d’être un concept. Elle doit se traduire en actions concrètes et visibles pour ces trois populations, avec l’objectif ultime de renforcer la notoriété et la préférence pour nos marques.
Capter l’attention dans un univers saturé : ce second enjeu, qui touche directement à mon rôle en communication et médias, est la « bataille de l’attention ». Et c’est le grand challenge de toutes les marques ! Nous vivons à une époque marquée par une consommation de contenus ultra-fragmentée et souvent de faible qualité. Par exemple, une part significative des contenus produits aujourd’hui (environ 25 %) n’est même pas regardée. Parallèlement, nous sommes exposés quotidiennement à plus de 1 200 publicités, tous formats confondus. Cela accentue la difficulté pour les marques à se démarquer et à capter durablement l’attention d’un consommateur dont la capacité d’attention moyenne a chuté à seulement 8 secondes.
Mon rôle est donc de concevoir des campagnes, des messages capables de s’imposer face à cette saturation, en trouvant ce fameux stop-scroller – cet élément qui pousse quelqu’un à s’arrêter sur un message, qu’il soit en ligne ou dans la rue. C’est un défi constant, mais c’est aussi une condition essentielle pour bâtir la préférence et l’attachement à la marque
Comment imaginez-vous leurs concrétisations dans 5 ans ?
Dans les cinq années à venir, il sera essentiel de développer une connaissance approfondie, presque intime, de nos consommateurs et de notre marché. Cela implique d’aller au-delà des simples données, en analysant les insights, les centres d’intérêt, les préoccupations, et même les clusters de conversation qui façonnent leurs attentes. Cette démarche nous permettra de définir précisément les messages, de choisir les bons canaux, et d’adopter les codes adaptés à chaque plateforme.
Par exemple, sur des plateformes comme TikTok, nous devons être présents tout en restant fidèles à notre mission de marque utile, et en nous adaptant aux codes spécifiques, sans nous travestir. Il s’agit de trouver une mission claire pour chaque plateforme et de maîtriser les formats et langages qui y sont attendus.
À plus grande échelle, cela revient à aligner nos prises de parole, les insights du marché, les attentes des consommateurs et la maitrise des plateformes médias pour créer une véritable convergence.
Au cœur de cette stratégie, il y a aussi la notion d’impact. Chez NAOS, nous avons défini un projet commun clair, avec des combats et une mission d’entreprise qui se traduisent en actions concrètes. Ces efforts visent à faire de NAOS et de ses marques des acteurs meaningful, c’est-à-dire capables de créer un attachement durable auprès de trois publics clés : les collaborateurs, qui choisissent NAOS comme lieu de travail. Puis les partenaires BtoB, qui s’engagent avec nous sur des valeurs communes. Enfin, les consommateurs, qui adoptent nos marques comme des marques de cœur.
Être une entreprise et des marques meaningful signifie démontrer un impact social et sociétal tangible. C’est montrer, chaque jour, comment nous contribuons à améliorer la vie de nos consommateurs, tout en prenant en compte leur double casquette de consommateurs-citoyens. En cultivant cette vision sur le long terme, nous nous inscrivons dans une dynamique où la création de valeur devient un véritable moteur d’attachement et de préférence.
Quelle a été la création de valeur de la transformation digitale dans votre entreprise?
La transformation digitale a bien entendu impacté notre entreprise à tous les niveaux. Elle a permis d’améliorer nos fonctionnements, de gagner en réactivité et, par conséquent, en performance. Concrètement, cela passe par l’utilisation de nouveaux outils de communication interne, le choix stratégique des leviers de communication externe, la mise en place de remontées d’informations fluides, ou encore la création de dashboards performants. Cette digitalisation touche toutes les équipes et favorise une approche plus agile et protéiforme.
Un élément central de cette transformation est sans conteste la data, devenue le véritable nerf de la guerre. La gestion, l’exploitation et la gouvernance des données sont des enjeux cruciaux, et leur maîtrise nécessite de faire les bons choix d’outils tout en s’appuyant sur les bons pilotes humains. Cela inclut la formation des équipes, la vulgarisation de concepts techniques, et la création de liens entre les différents acteurs. Chez NAOS, ce processus est essentiel pour connecter nos actions digitales à nos ambitions stratégiques, notamment dans le domaine des médias.
En parallèle, la digitalisation a profondément modifié le Consumer Journey, particulièrement dans le secteur de la beauté qui s’est transformée en beauté connectée. Aujourd’hui, les consommateurs naviguent sur des parcours multiplateformes, interagissent avec des formats variés et multiplient les points de contact avant de prendre une décision d’achat. Cela nous pousse à repenser sans cesse nos approches pour délivrer le bon message, sur le bon canal, au bon moment.
Cette transformation nous offre des opportunités immenses : mieux connaître nos consommateurs, qualifier leurs besoins et comprendre réellement leurs préoccupations pour y répondre de manière adaptée. Cependant, cela s’accompagne de défis complexes, notamment dans un monde en transition vers un environnement cookieless. Nous expérimentons constamment des modèles et des approches innovantes pour nous réinventer et répondre à ces nouvelles exigences.
Enfin, si le digital ouvre de nombreuses portes, il est essentiel de conserver le lien humain et la force qu’il génère au cœur de nos pratiques. La créativité, l’engagement et la motivation des collaborateurs sont irremplaçables et doivent coexister harmonieusement avec les outils digitaux. Ce bon équilibre est fondamental pour créer une dynamique durable et pertinente.
Quels sont les difficultés et questionnements que vous rencontrez dans la mise en place d’initiatives environnementales et sociales?
Chez NAOS, les préoccupations environnementales et sociales sont profondément ancrées dans notre ADN. Elles imprègnent toutes les étapes de notre chaîne de valeur : de la recherche et développement au sourcing, en passant par la fabrication, la distribution, et même l’usage de nos produits. Cela inclut aussi une dimension pédagogique essentielle pour sensibiliser les consommateurs à des pratiques plus responsables.
C’est un point central en interne, mais que nous partageons avec d’autres acteurs du marché afin de développer une trajectoire commune, car certains sujets impliquent des projets industriels complexes.
Par exemple, proposer des solutions de vrac pour des produits comme les gels douche ou les crèmes exige une réflexion approfondie sur la stabilité des formules, la sécurité des produits, et la fiabilité des contenants. Pour relever ces défis, nous collaborons avec d’autres acteurs du marché, y compris nos concurrents, afin de construire des démarches communes. Cette approche collaborative est essentielle pour atteindre des objectifs ambitieux à grande échelle.
Par ailleurs, nous travaillons chaque jour pour réduire notre empreinte carbone, améliorer la recyclabilité de nos emballages, et soutenir des initiatives à fort impact social, comme la prévention des pathologies dermatologiques ou l’éducation autour de la protection solaire. Cependant, il est clair que ces efforts doivent s’accompagner d’une évolution des habitudes de consommation. La surconsommation, amplifiée par certaines tendances véhiculées sur des plateformes comme TikTok ou par des influenceurs, reste un frein.
Par exemple, les modes qui poussent à multiplier les produits ou à adopter des pratiques controversées, comme appliquer une couche épaisse de vaseline sur le visage, posent question.
Chez NAOS, nous militons pour une approche plus raisonnée de la consommation, portée notamment par notre démarche écobiologique, ou des solutions innovantes. Cette démarche vise par exemple à agir à l’origine des dysfonctionnements cutanés plutôt que de simplement répondre à leurs manifestations superficielles. Nous croyons qu’un équilibre est nécessaire : si les marques doivent poursuivre leurs efforts, les consommateurs ont aussi un rôle à jouer dans la transition vers une consommation plus durable et responsable.
Comment gérez-vous la tension et la pénurie de talents?
Pour nous, la question n'est pas vraiment celle de la tension ou de la pénurie de talents, car les marques du groupe sont attractives et suscitent l'intérêt des bons profils. Cependant, nous faisons face à une forme de tension différente : celle liée à la recherche de talents profondément engagés, qui comprennent l'impact de l’entreprise au-delà du produit dermocosmétique.
Ce que nous recherchons, ce sont des personnes qui partagent nos valeurs et qui sont prêtes à s'investir dans des enjeux sociaux et environnementaux, tout en contribuant à l'évolution de notre secteur. Il ne s'agit pas simplement de trouver des experts dans leur domaine, mais des individus qui, au-delà de leurs compétences techniques, sont passionnés par la mission et la vision de nos marques, et qui peuvent participer activement à un projet plus global, porteur de sens.
En corolaire, les entreprises doivent aussi pour créer les conditions de l’attractivité, se donner comme exigence de répondre à une recherche de fierté, de connivence et générer du mentorship. Nous devons pour leur donner envie de nous rejoindre et s’engager, leur montrer en quoi nous sommes ambitieux certes, mais aussi en quoi nous créons de la valeur dans la société, quels sont nos engagements, quel est notre impact social et sociétal sur les territoires, en quoi en fait nous sommes « utiles ».
Le livre, le film et le lieu qui continuent de vous inspirer ?
Je trouve que ces univers sont tellement vastes et riches qu’il est difficile de les réduire à quelques choix seulement. Cependant, deux films m'ont particulièrement marqué : La Vie est Belle de Roberto Benigni, que je trouve être une magnifique leçon de vie et d'humanité. Ce film m'inspire par sa vision de l'impact de notre manière d'aborder le quotidien. Le jeu d'acteur est fabuleux et l’histoire nous touche profondément. L'autre film, Le Patient Anglais, m'inspire aussi par sa dimension épique, entre passion et aventure, tout en restant réaliste et émouvant.
Côté livres, j'ai une lecture assez variée, mais un classique qui m'inspire beaucoup est Les Quatre Accords Toltèques. Il offre une philosophie de vie qui nous aide à retrouver une certaine liberté d’agir et de penser, tout en prenant en compte nos relations avec les autres. C'est un principe que j'essaye d'appliquer aussi bien dans ma vie professionnelle que personnelle. Un autre livre qui m’a beaucoup marqué est Mille Soleils Splendides de Khaled Hosseini, une œuvre poignante qui parle de la résilience humaine face à l’adversité. Ce roman reste gravé dans ma mémoire, notamment en raison de la résonance qu'il peut avoir avec les événements actuels.
Enfin, en ce qui concerne le lieu, c'est la montagne, l'endroit où je suis née. C’est là que je me ressource, que je trouve un équilibre entre déconnexion et connexion. La montagne me permet de me vider la tête, de m’apaiser, et surtout, de me sentir plus vivante. C’est un lieu qui m’inspire et où je trouve la force nécessaire pour avancer.
Votre devise ?
Ce n'est pas vraiment ma propre parole, mais celle de Bouddha, et je la cite avec humilité. Il disait : "Ce que nous sommes est le résultat de ce que nous avons pensé". Autrement dit, le positif attire le positif. C’est une phrase que j’aime me répéter, surtout dans les moments où il est difficile d’avancer. Cela me permet de repartir de l’avant et de relancer la machine. J'aime aussi la partager autour de moi, et m’efforce de l'appliquer dans ma vie. Ce que nous sommes, c’est souvent le reflet de nos pensées. Il est donc crucial que nos pensées et nos actions soient guidées par l'impact que nous voulons avoir sur nous-mêmes et sur ce que nous deviendrons. Voilà, c’est une petite phrase qui m’inspire et que j’aime garder en tête.
Comentarios