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"L'IA ne fera rien sans l'humain."


Dr. Luc JULIA, Directeur Scientifique de Renault

 

Il a été Directeur Technique et Vice-Président pour l'innovation chez Samsung Electronics, a dirigé Siri chez Apple, été Directeur Technique chez Hewlett-Packard et a co-fondé plusieurs start-ups dans la Silicon Valley. Lorsqu’il poursuivait ses recherches à SRI International, il a participé à la création de Nuance Communications, aujourd'hui leader mondial dans le domaine de la reconnaissance vocale.


Chevalier de la Légion d'honneur, Officier de l’ordre national du Mérite et membre de l'Académie des technologies, il est diplômé en mathématiques et en informatique de l’Université Pierre et Marie Curie à Paris et a obtenu un doctorat en informatique à l'Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications de Paris.


Il est l'auteur du best-seller « L'intelligence artificielle n'existe pas », détient des dizaines de brevets et est reconnu comme l'un des 100 développeurs français les plus influents dans le monde numérique.



Quels sont vos enjeux actuels et comment les adressez-vous ?


Il y a chez les constructeurs automobiles centenaires (Renault, Ford, Toyota, Volkswagen, Stellantis, etc.) un enjeu principal qui est d'être aussi performants du point de vue numérique que les nouveaux entrants (Tesla, BYD, SAIC, etc.) qui sont très rapides pour créer un nouveau modèle de voiture (ndlr : quatre à cinq ans pour une marque centenaire vs deux ans pour les nouveaux constructeurs).

L’enjeu est donc d'arriver sur le marché avec une voiture qui ne sera pas déjà obsolète, et ainsi ne plus être sur du cinq mais du deux à trois ans en terme de production de nouveaux modèles commercialisables.

Le second enjeu est celui de la communication. Il s’agit de faire comprendre au grand public et aux potentiels futurs employés que nous avons un impact réel et positif sur la société. Ce qui va attirer les talents ce n’est pas les multiples POC mais la concrétisation, le véritable impact auquel ils vont pouvoir participer activement et qui va les rendre fiers.

 


Comment imaginez-vous leurs concrétisations dans 5 ans ?


Nous ne sommes pas dans le même espace-temps avec nos concurrents.

Sur nos enjeux majeurs (attractivité des talents et capacité de production- dans le sens délais raccourci d’imagination de modèle) il faudrait renverser la table !


Les Japonais sont devenus les meilleurs en électronique dans les années 1970-80, comme les Coréens dans les années 2000-2010. Comment ont-ils fait cela ? Ils sont aller regarder ce que faisait de mieux la concurrence et s’en sont inspirés, sans tomber dans le plagiat mais en palliant leurs propres faiblesses. En revanche, attention à la réglementation qui n’est pas la même sur l’ensemble des marchés mondiaux, car les Chinois font des énormes raccourcis et gagnent ainsi du temps mais quid des ventes de leurs véhicules sur les marchés Européens et Américains ?

Il faut aussi montrer au marché quelques exemples de réalisations incroyables crées par un groupe d'innovation pour faire un peu rêver les consommateurs. Cela peut prendre un peu de temps, deux à trois ans, mais pendant ce lapse de temps, ces petits succès vont montrer les possibilités d'innovation, des réalisations super agiles qui vont pouvoir attirer les talents. Faire quelque chose d’incroyable, en un temps record, qu’aucune marque n’a réalisé auparavant. Chez Renault par exemple, nous réalisons des projets en moins d’un an, comme la borne de recharge avec connexion.

 


Quelle a été la création de valeur de la transformation digitale dans votre secteur ?


Dans le secteur de l’automobile, nous sommes en pleine mutation. Les marques non centenaires sont toujours en train de chercher la valeur, donc ils amènent de plus en plus de digital, de transformation digitale dans les produits eux-mêmes.

C'est difficile de dire ce qui a de la valeur, en revanche ce qui va avoir amené de la valeur c'est l’utilisation des outils digitaux de grande qualité et ça c’est un impact absolument extraordinaire. Tesla par exemple, utilise cette transformation digitale dans les usines elles-mêmes d'une manière très avancée. Le premier modèle a nécessité du temps mais ce temps a ensuite été rattrapé car les robots sont programmés et vont pouvoir toujours aller monter des véhicules à une cadence plus forte que les humains.

 


Quels sont les difficultés et questionnements que vous rencontrez dans la mise en place d’initiatives environnementales et sociales ?


La régulation européenne impose de vendre plus de voitures électriques au sein de l’Union en 2035, mais dans la mesure où les centenaires nécessitent un certain temps de production, c’est compliqué.

Et puis, il y a un certain état d’esprit qui doit changer : celle du macho avec du poil sur les bras et son amour de la « bagnole ». Il y a toute une attitude derrière cette forte production de CO2 avec une grosse cylindrée qui fait du bruit. Le sujet est environnemental et éthique.

Je vous rappelle que la voiture la plus vendue aux États-Unis est la Ford 150 qui est une aberration écologique et qui ne sera plus produite car les ventes ne sont pas satisfaisantes en électrique.



Quelles sont les limites actuelles de l'IA et comment peuvent-elles être surmontées ?


La limite de l'IA c'est de considérer que l'IA est intelligente. L’IA n'est pas intelligente !

C’est une boîte à nombreux outils qu’il ne faut pas laisser à la portée de tous, même si les IA génératives le deviennent.

Rien n’est magique : il faut derrière l’utilisation des IA un être humain qui sait se servir de cet outil et cela va rester très longtemps ainsi. L’IA ne sera jamais intelligente et surtout ne réfléchira jamais, ne créera jamais. Aujourd’hui on fait l’amalgame entre IA et les IA génératives. Attention : une IA générative ne crée strictement rien, elle va générer ce que l’être humain lui demande de créer à travers le prompt.  

Toutes les vagues d’IA depuis 1956, ont été initiées par les mathématiques, contrôlées par les êtres humains, il est donc absolument impossible de faire autre chose que de décider humainement.

En revanche, avec les IA physiques il y a potentiellement quelque chose qui va se passer : c'est le temps de l'informatique quantique  qui repose donc sur la physique, qui pourrait se rapprocher de la biologie donc de notre cerveau ? Mais il faudra encore beaucoup beaucoup de temps avant que l’ordinateur quantique fonctionne mais aujourd'hui c'est encore imaginable.

 


Comment éduquer pour que les gens maitrisent les nouveaux outils, les nouvelles tâches et puissent bénéficier pleinement des innovations tech, être finalement plus humains ?


Il est important d’expliquer que l'être humain est au cœur du processus.

Il faut donc expliquer que tout cela n’est pas magique : on éduque en montrant que l'humain est essentiel dans la boucle de l'IA que l'IA ne fera rien sans l'humain et que c'est aussi l'humain qui va décider de faire des bêtises avec ou qui peut faire des bêtises involontairement. Oui les IA font des erreurs mais à nous de les programmer pour qu’elles soient utilisées à bon escient.

 


L’IA est une aberration écologique, car elle consomme énormément de data. Quelles sont les pistes d'amélioration ?


De nouvelles IA plus frugales vont arriver grâce à la prise de conscience de nouvelles générations d'êtres humains un peu plus sensibles au sujet écologique.

Les IA génératives vont certainement disparaître et on va voir arriver des nouvelles IA qui seront un mix de celles passées et de celles de la nouvelle génération, qui n’utiliseront pas moins mais mieux les data. Peut-être que nous vivrons une sorte d’hybridation par rapport à ce que nous avons appris les soixante-dix dernières années grâce à des règles d’usage.

 


Le livre, le film et le lieux qui continuent de vous inspirer ?


Le lieu c’est facile, c’est la  Silicon Valley. C’est absolument extraordinaire pour l'émulation, c'est un vrai melting-pot avec un poucentage d'ingénieurs américains finalement assez faible d’environ 38%. Etre pote et travailler avec des Chinois, des Indiens, des Européens c’est fantastique. C’est unique au monde, depuis 1848, depuis l’époque de la ruée vers l’or.  


Le dernier film que j’ai vu c’est le Comte de Monte Cristo, mais je ne suis pas un grand fan de film, cela faisait un an que je n’étais pas allé au cinéma.


Pas un livre mais plutôt un livre ouvert : mon voisin de bureau Douglas Engelbart (ndlr : ingénieur américain connu pour ses travaux sur l’interaction homme-machine). Je ne sais pas s’il a écrit un livre mais je n’avais pas besoin car il était à côté de moi et  racontait ses histoires en permanence.

 


Votre devise ?


A deux on fait toujours les choses mieux que seul.

Cela implique plein de choses essentielles comme : la collaboration, l’écoute de l’autre, la curiosité.

 

 

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